La tentation totalitaire - Jean-François Revel

Quiconque ne comprend pas le fonctionnement des partis communistes ne comprend rien à la politique moderne.

Le monde actuel évolue vers le socialisme. Le principal obstacle au socialisme est non pas le capitalisme mais le communisme. La société socialiste future ne peut être que planétaire et elle ne se réalisera donc qu’au prix, sinon de la disparition des États-nations, tout au moins de leur subordination à un ordre politique mondial.

Le deuxième paragraphe cité ci-dessus, est le premier de La tentation totalitaire, ouvrage de Jean-François Revel paru en 1976. Ce paragraphe n’est qu’un résumé du livre, mais une prophétie qui s’avèrerait vraie à la fin de la Guerre Froide, quand les idéologies de gauche étaient tellement discréditées que le néolibéralisme Thatchérien et Reaganien  semblaient la seule voie économique et politique. La réalité donnerait la raison à Revel : le vrai socialisme ne peut avoir lieu que dans un système démocratique où les États-nations se dissolvent progressivement : l’Europe d’avant la crise, où l’État providence a atteint toute son ampleur, et où les frontières ont reculé  d’une façon spectaculaire, en est le témoignage.

Tout allait bien selon la carte de route revelienne jusqu’à 2008, lors du collapse des banques d’investissements Américaines et des grandes sociétés financières. L’Europe socialiste a disparu, en grande partie parce que les Allemands en ont marre de financer les pensions des Grecs, mais aussi parce que les banques étaient très à l’aise avec des taux d’imposition très élevées en théorie en retour d’un environnement régulatoire très flou. Aujourd’hui, il est clair que le communisme n’est pas un choix raisonnable, mais il n’est pas évident que le socialisme européen puisse revenir dans le moyen terme : tout au contraire, les masses sans espoir tournent de plus en plus vers ce qu’on appelait « extrême droite »  dans les années 90 et 2000.

Il est difficile à recommander ce livre : d’un côté, les thèses reveliennes sur le socialisme et le communisme sont toujours pertinentes ; d’un autre côté, le livre est tellement centré sur des débats de l’époque (le Chili d’Allende, la transition portugaise, les accords de Helsinki) qu’il peut éloigner les lecteurs modernes. L’irrelevance de La tentation totalitaire aujourd’hui n’est la faute à personne : Jean-François Revel était surtout un polémiste, pas un philosophe ; ses textes étaient censés d'être datés. En tout cas, le vidéo ci-dessous est un bon résumé du livre pour les audiences d’aujourd’hui.