Thursday, September 5, 2013

Entre Deux Rives - Sandra Bessis

Sandra Bessis est une chanteuse specialisée en chants séfarades et de la Méditerranée. Elle reconnue au Monde entier. Entre Deux Rives est un album enregistré en public à la synagogue de Carpentras, au Festival des Musiques Juives, et à la Casa de la memoria à Séville entre 2004 et 2005. Accompagnée par Anello Capuano à l'oud et à la mandoline, et par Rachid Brahim-Djelloul au violon, Mme. Bessis interprète des chansons séfarades traditionnelles recueillies au long de la Méditerranée avec un simplicité très élégante.

La meilleure chanson de l'album est "Ya ghosn." Il est pitoyable qu'on ne trouve pas de vidéos ou de télécharges sur l'Internet. D'autres chansons sont très bien interpretés aussi, avec des reminiscences arabes qui nous rappelent qu'à la Méditerranée tout le Monde est le produit d'un mélange millénaire. Comme Arkul, Mme. Bessis chante "Buena Semana". Je voudrais inviter le lecteur à comparer les deux interpretations pour vraiment apprécier la vitalité de la musique séfarade aujourd'hui.

*****

"Les chants séfarades courent d'une rive à l'autre de la Méditerrannée, croisant sur leur route la musique arabo-andalouse, les ballades et les danses des noces balkaniques, et se souviennent des temps de la Reconquête chrétienne en Espagne. Ils marient toutes les sonorités de cet Orient si proche, oû se sont mêlés et succédés Grecs et Latins, juifs, chrétiens et musulmans, Berbères, Arabes et Ottomans, et tous ceux qui sont passés par là, témoignant d'une histoire extraordinaire d'exil et de fidélité, longue de près de cinq siècles. Tout au long de cette traversée du temps et de l'espace, depuis l'Espagne médiévale, les voix des femmes et des hommes ont permis qu'ils se perpétuent, la mère au creux de l'oreille de sa fille, de communauté en communauté, dénouant et renouant, recomposant, patiemment et infiniment, les fils de la mémoire et de la nostalgie.

"Tanger et Salonique, Istambul et Andrinople, Tétouan et Sarajevo, là où le soleil cogne, comme là-bas, ce pays qu'il a fallu quitter parce que les rois l'avaient décidé ainsi. L'Espagne s'éloigne, l'Andalousie est perdue et les siècles passent, loin de Sefarad. C'est l'éternelle histoire des exilés, hier fuyant l'Espagne, aujourd'hui laissant derrière eux la terre de leurs ancêtres rendue infertile par la guerre, la misère, toutes les déroutes de l'Histoire. C'est le dernier soupir du Maure, Boabdil contemplant une fois encore les murailles de l'Alhambra définitivement perdue. Prince ou gueux, c'est toujours la même nostalgie, et les mêmes trésors qui défient le temps: le goût des épices et des aromates, la langue, le parfum des jasmins et de l'oranger, le rythme de la danse et la mélodie des antiques complaintes. Il reste toujours la poésie, la musique, les chansons qui disent l'amour, bercent les enfants au berceau, rythment l'année, les joies, les fêtes et les deuils.

"Les femmes méditerranéennes sont les gardiennes de la tradition. Elles ne savent pas lire, ou rarement, elles restent cantonnées à la sphère domestique, elles n'ont pas droit au vent du large. Alors elles chantent, dans cette langue qui raconte une histoire du temps passé et qui est aussi celle de leur quotidien, elles chantent les histoires incroyables que leur mère leur a chantées, que leur grand-mère a recueilli de la bouche de sa propre mère... Elles sont la mémoire, elles sont les livres qui racontent toute la vie, elles sont le vent du large.

"Parfois aussi, il faut être léger. Alors elles chantent des recettes de cuisine, les multiples facons de cuisiner l'aubergine, par exemple... Et puis il faut supporter la belle-mère, toujours là, à surveiller le couple... Et prévenir sa fille aussi: 'L'amour est trompeur. Aujourd'hui il te séduit. Demain il te rendra malheureuse, moi aussi je suis passée par là! Prends garde, ma douce fille!' Mille recommandations n'ont jamais rendu sages les jeunes amoureuses, mas on n'oublie pas la voix de sa mère, ni le paroles qui nous ont bercées... Ya oummi ya oummi soutek deimen i ghanni... (Ma mère, ma mère, ta voix chante toujours...)

Ce CD, enregistré en public, est une promenade, une divagation dans cet univers musical, tel qu'il résonne pour nous, ici et maintenant. Laisser à celui qui écoute l'espace pour rêver, m'embarquer avec lui dans une histoire, dans les mélismes d'une mélodie, dans les développement d'une romance, dans l'introduction méditative du 'oud ou l'invitation à la danse du violon.

-Sandra Bessis

No comments:

Post a Comment